J'aime les intellectuels.
Quand je dis «intellectuels», je ne parle pas des «écriveux» qui, comme moi, publient des chroniques dans les journaux et réagissent à chaud à l'actualité, non : les vrais intellectuels, les gens dont le principal travail est de prendre leur distance pour lire, penser et réfléchir.
Chaque fois qu'on les traite de «pelleteux de nuages», je monte à leur défense. La vie va vite, et on a besoin de gens qui acceptent de descendre du manège pour approfondir un sujet...
Mais Dieu, que certains sont déconnectés de la réalité ! Ça fait tellement longtemps qu'ils sont enfermés dans leur tour d'ivoire qu'ils ont complètement perdu le contact avec la vraie vie...
UN SPECTACLE OPPORTUNISTE ?
C'est le cas de Fabien Loszach, étudiant à l'UQAM. Hier, ce grand savant (qui brandit son titre - «doctorant en sociologie » - avec autant d'empressement qu'un rappeur met à exhiber ses pitounes, ses bijoux en or et son portefeuille) a publié un texte sur le scandale des téléthons dans l'auguste Devoir.
Sa thèse : les téléthons participent à «la mise en scène de la charité et de la solidarité» et à «la mise en spectacle du Bien par des artistes vertueux, pleins de bons sentiments et de compassion».
Pour monsieur le doctorant, on a tous les droits de «remettre en doute la bonne foi des vedettes du show-business» et de questionner «l'opportunisme» des médias qui profitent des tragédies pour se faire du capital politique.
UN PETIT DÉTAIL
Tout cela est bien beau. Mais monsieur Loszach était tellement occupé à relire le philosophe Philippe Murray pour trouver une citation pouvant donner un peu de poids à son texte qu'il a oublié un petit détail : le téléthon Ensemble pour Haïti, un «spectacle de la charité» organisé par des «artistes en mal de publicité », pour utiliser sa prose méprisante, a ramassé six millions de dollars en deux heures et demie.
Six millions de dollars, monsieur.
Vous, combien avez-vous amassé d'argent pour Haïti ?
Les étudiants en sociologie de l'UQAM ont fait quoi pour venir en aide aux sinistrés qui souffrent sous les décombres ?
UN TEMPS POUR CHAQUE CHOSE
Monsieur Loszach dit qu'on perd tellement d'énergie à monter des spectacles-bénéfice qu'on ne prend pas le temps de s'interroger sur les véritables raisons de la pauvreté endémique d'Haïti.
Faux.
Je ne compte pas le nombre de reportages, de dossiers et d'entrevues qui se sont penchés sur cette importante question.
Et puis, si notre doctorant s'aventurait hors de sa cabane, il se rendrait compte qu'il y a un temps pour chaque chose.
Un temps pour agir. Puis un temps pour réfléchir.
Quand des milliers de gens pleurent et souffrent, on ne leur lit pas les plus belles pages de notre rapport de maîtrise.
On amasse de l'argent et on leur envoie des vivres et des médicaments.
Et s'il faut danser à claquettes et chanter Quand les hommes vivront d'amour avec la moitié du bottin de l'Union des artistes pour amasser cet argent, eh bien, soit.
DES PROPOS MINABLES
Pendant que vous pensiez au texte savant que vous alliez écrire pour Le Devoir, Monsieur, des «artistes en mal de publicité» se démenaient pour CONCRÈTEMENT venir en aide au peuple haïtien.
Honte à vous de les pointer du doigt.
Richard Martineau, Journal de Montréal, 27 janvier 2010.